LA MISSION CHIRURGICALE DE NOVEMBRE 2015

Docteur Michel Onimus

Cette mission s’est déroulée du 10 au 24 Novembre 2015 à Bangui, puis à Berbérati, et en enfin de nouveau à Bangui.
Elle était composée de Germain AGNANI, notre Président, qui a retrouvé avec bonheur la Centrafrique après une interruption de plus de 20 ans, Michel ONIMUS, chirurgien, Stéphanie MOREAU, infirmière anesthésiste, et Michelle ONIMUS, orthophoniste, qui assure les tâches de secrétaire-panseuse durant les missions.

Comme toutes les missions précédentes, celle-ci s’est déroulée grâce au soutien et à l’aide de nombreuses personnes, et nous sommes heureux d’en citer quelques unes : la Communauté des Sœurs Tertiaires de Saint François au Centre d’Accueil Missionnaire de Bangui, la communauté des Sœurs de la Charité à Berbérati, la Société Picard, la Société Mölnlycke, le service de stérilisation de la Clinique Saint Vincent à Besançon, qui ont tous contribué à la préparation et au bon déroulement de cette mission

La mission s’est déroulée en trois phases :

1) La première phase, du 10 au 11 Novembre 2015, s’est déroulée à Bangui.

Nous avons effectué deux courtes consultations les 10 et 11 Novembre, ainsi qu’une matinée opératoire au Complexe Pédiatrique le Mercredi 11 Novembre 2015.
2) La deuxième phase, du 12 au 21 Novembre, s'est déroulée à Berbérati.

En arrivant à Berbérati, l’avion survole la piste avant de se poser, pour vérifier qu’elle n’est pas encombrée par des enfants ou des vaches...



Le 12 Novembre nous avons effectué le trajet Bangui-Berbérati par voie aérienne, malheureusement sans Germain AGNANI, en raison d’un manque de place dans l’avion de l’UNHAS. Sœur Blanche JOLLY, responsable du centre de rééducation et appareillage Thalita Koum, installé dans l’hôpital de Berbérati, avait parfaitement préparé le travail avec l’aide d’Apollinaire NDAYE, rééducateur du centre. Nous avons trouvé à Berbérati un climat très calme, et nous n’avons pas du tout éprouvé d’inquiétude lors de nos déplacements. A Berbérati, nous avons consulté 94 patients handicapés: il s’agissait:
- de 19 séquelles diverses de traumatismes (avec cals vicieux, paralysies résiduelles...),
- de 12 séquelles d’injection intramusculaire de Quinimax (3 séquelles d’injection intrafessière avec déformation du pied en varus, 11 séquelles d’injection dans la cuisse avec raideur complète du genou en extension),
- de 8 malformations congénitales (dont 2 arthrogryposes, 5 pieds bots varus équins, 1 métatarsus varus, 1 malformation des 4 membres...),
- de 5 séquelles d’arthrite du genou avec ankylose,
- de 2 déformations du rachis en cyphose sur séquelles de tuberculose vertébrale,
- de 4 séquelles de poliomyélite,
- de 17 séquelles neurologiques centrales, secondaires à une souffrance cérébrale néonatale ou acquises secondairement (neuropaludisme, méningite),
- de 16 cas de paraplégies spastiques probablement séquellaires d’intoxication par du manioc mal détoxifié (maladie du Konzo),
- et de 9 lésions diverses (1 genu valgum, 1 brûlure, 1 myopathie, 1 paralysie obstétricale du plexus brachial, 1 ostéonécrose probable de la hanche, 1 ostéochondromatose probable du genou, 1 scoliose, 1 amputation de jambe...).




Monsieur le Docteur Stéphane KOUZOU, Médecin-Chef de l’hôpital régional et universitaire de Berbérati, avait mis une salle d’opération à notre disposition et nous avons pu opérer 22 patients avec l’aide des internes en stage de fin d’études à Berbérati:
- 2 libérations postéro-internes pour pieds bots varus équins congénitaux,
- 2 ostéotomies fémorales sus-condyliennes de varisation (1 cas) et de déflexion (1 cas),
- 1 ostéotomie tibiale basse pour cal vicieux,
- 3 doubles arthrodèses sous-astragalienne et médiotarsienne pour déformation du pied en varus équin,
- 5 désinsertions larges du quadriceps pour raideur du genou après injection de quinimax,
- 6 ténotomies étagées des membres inférieurs pour rétractions neurogènes (IMC ou Konzo),
- 1 correction de rétraction palmaire d’un doigt avec greffe cutanée,
- 1 retouche de moignon d’amputation de jambe,
- 1 évacuation d’abcès sur ostéite drépanocytaire.


Durant cette mission à Berbérati, nous avons été frappés par le trop grand nombre de séquelles d’intoxication par du manioc mal préparé et encore toxique lors de son ingestion (maladie du Konzo); ces patients représentent 18% des patients vus en consultation.
Il s’agit d’une maladie due plus à la pauvreté qu’à l’ignorance car toutes les femmes savent qu’il est nécessaire de laisser tremper le manioc dans l’eau durant au moins 4 jours pour en éliminer le cyanure et le détoxifier; mais en cas de pénurie alimentaire le manioc est consommé trop tôt et il est encore toxique. Nous avons déjà rencontré à plusieurs reprises des séquelles de maladie du Konzo, essentiellement à Berbérati et à Bossembélé, mais jamais dans de telles proportions.
Ces séquelles sont définitives ; elles réalisent un tableau de paraplégie spastique, avec de grandes difficultés à la marche que nous ne pouvons que partiellement améliorer par la chirurgie.
Valère et Alfred ont été atteints par la maladie du Konzo il y a quelques années ...
...depuis ils ne peuvent se déplacer que très difficilement.


Nous avons profité de la prolongation forcée de notre séjour à Berbérati durant deux jours pour faire une sensibilisation à ce problème auprès des jeunes femmes du centre de promotion familiale Némésia.
Nous avons également profité de notre temps libre pour organiser avec Stéphanie quatre séances d’enseignement en anesthésie et en pathologie orthopédique destinées aux internes en stage à l’hôpital, et Michelle a organisé une séance d’initiation à la technique de communication avec images, technique dérivée de la technique de communication par symboles de BLISS, applicable aux enfants infirmes moteurs cérébraux privés de langage oral.
Nous avons revu Salomon, qui avait été opéré en 2011 pour des séquelles de maladie du Konzo; avant l’opération, il ne pouvait se déplacer qu’avec un déambulateur.
Actuellement il peut marcher sans aide sur de courtes distances.
Sœur Blanche surveille la séance de rééducation des enfants opérés dans les barres parallèles.
Nous avons également noté à Berbérati, comme d’ailleurs lors de chacune de nos missions, un grand nombre de déformations iatrogènes des membres inférieurs apparues après injections de Quinimax mal exécutées, qui représentent 13% des cas examinés.
Ces déformations sont soit des déformations du pied après injection intra fessière mal exécutée, soit des raideurs totales du genou après injection intra quadricipitale (10% des consultants). Ces séquelles sont graves et elles devraient être évitées par une bonne technique d’injection ou par l’administration de produits antipaludéens validés par l’OMS (ACT ou artemisinin combined therapy), ou mieux encore de poudre d’Artemisia annua....

Enfin à Berbérati, nous avons participé à une réunion rassemblant le Docteur Stéphane KOUZOU, Médecin-chef de l’hôpital, Sœur Bénédicte POLESEL, gestionnaire de l’hôpital, Sœur Blanche JOLLY, responsable du centre de rééducation et Monsieur Apollinaire NDAYE, rééducateur du centre.

Le centre de rééducation a un statut un peu particulier, car il a été construit à partir d’un projet diocésain, au sein de l’hôpital, et il fonctionne de façon autonome sous la direction de la mission des Sœurs de la Charité à Berbérati. Le rééducateur affecté au centre est titulaire de la fonction publique centrafricaine.
La création de ce centre de rééducation (Sœur Stefania qui l’a dirigé durant de nombreuses années lui a donné le nom de Centre Thalita Koum, ce qui signifie en araméen « petite fille, lève-toi... ») a apporté une activité nouvelle en rééducation et en orthopédie infantile et a donc valorisé l’hôpital dans des domaines où les besoins sont importants , et nous avons insisté sur l’importance de développer encore la collaboration entre les différents services de l’hôpital et le centre de rééducation.
3) La troisième phase, du 21 au 24 Novembre, s'est déroulée à Bangui.

Le trajet de retour Berbérati – Bangui, qui était programmé le Jeudi 19 Novembre, a été reporté par l’UNHAS au Samedi 21 Novembre, nous mettant dans l’impossibilité d’assurer l’activité chirurgicale prévue à Bangui les 20 et 21 Novembre. Nous avons donc pu assurer une seule matinée opératoire et une seule séance de consultations le Lundi 23 Novembre 2015.
La présence de Stéphanie a permis à Barthélémy FIOBOY une mise à jour de ses connaissances en anesthésie-réanimation.
A Bangui nous avons retrouvé Germain, qui avait pris contact entre autres avec Cœurs Charitables, l’ONG centrafricaine soutenue par l’ACMC, qui s’occupe de la culture de la spiruline.

A Bangui nous avons examiné 17 patients, rassemblés par Elkana NDAWATCHA, Directeur du CRHAM par intérim, et Timoléon TOUAM, kinésithérapeute.
Ces patients se répartissent notamment en :
- 3 fissures labiales congénitales,
- trois déviations axiales des membres inférieurs en genu valgum,
- 7 malformations congénitales des membres (une dystrophie proximale du fémur pour laquelle nous avons mis en route un programme d’appareillage et de mise à la marche, une main bote radiale congénitale, une polymalformation des membres, un syndrome de Klippel Trenaunay,
- 3 pieds bots congénitaux),
- 3 cyphoses sur tuberculose vertébrale,
- un genu varum sur nécrose du condyle interne.
Nous avons opéré 5 enfants à Bangui : 2 fissures labiales, 2 pieds bots congénitaux, 1 ostéotomie fémorale de réalignement.

Nous avons trouvé une ambiance nettement différente de celle ressentie en Septembre 2015, avec une population globalement plus inquiète ; de nombreuses consultations ont été annulées à cause des risques d’un retour de nuit à domicile, même si durant la journée nous avons trouvé dans les rues l’animation habituelle.

Nous avons revu Sœur Léontine, avec laquelle nous avons beaucoup parlé de l’avenir de la prise en charge des enfants handicapés et des possibilités de développement de son activité ; mais rien de précis n’est envisagé...
Enfin, nous avons programmé les missions chirurgicales à venir : à Mongoumba et Bangui à la fin Février 2016, à Bria et Bangui en Mai 2016; enfin à l’automne 2016 à Berbérati et Bangui, la réalisation de ces missions restant liée à l’évolution de la situation politique et sécuritaire en République Centrafricaine.
L’ ACMC est une ONG franc-comtoise. Contact et mentions légales