LA MISSION CHIRURGICALE DE FÉVRIER-MARS 2010

Docteur Michel Onimus

C’est la 52ème mission de l’ACMC en Centrafrique. Elle s’est déroulée du 18 Février au 4 Mars 2010, à Berbérati puis à Bangui. Les participants étaient Stéphanie MOREAU, Daniel BLESSIG, Michelle et Michel ONIMUS ; nous avons accueilli également Julie BOULANGER, interne des Hôpitaux de Nantes, qui a découvert la chirurgie en terre africaine. Nous sommes allés à Berbérati le 19 Février en suivant la route du 4ème parallèle, qui traverse la forêt équatoriale ; bien qu’étant en saison sèche, nous avons rencontré pas mal de grandes flaques d’eau qui cachent les trous de la piste…
L’entrée du centre de rééducation de Berbérati. "Talitha, koum" signifie en araméen "petite fille, lève-toi !". Quel beau nom pour le centre !
A Berbérati, nous avons retrouvé le centre de rééducation « Talitha Koum », installé dans l’Hôpital, ainsi qu’Appolinaire, le rééducateur, et Athanase, l’appareilleur. Nous avons beaucoup travaillé ; nous avons examiné 102 enfants, et en avons opéré 26, dont une fissure labiale que des conditions locales assez correctes nous ont permis d’opérer. Tout s’est parfaitement bien passé.

Ensuite nous sommes rentrés les 27 et 28 Février en passant par la route du Nord, ce qui nous a permis de retrouver à Baoro le Père Norberto, que nous avions connu en 1984, quand nous étions encore jeunes… Avant d’arriver à Bangui, nous avons fait une courte halte à Bossembélé, où la Sœur Elisabeth, qui s’occupe maintenant du centre pour handicapés, nous a demandé de revenir… et nous avons programmé une mission supplémentaire qui aura lieu en principe en Aout 2010.

Enfin, durant les trois derniers jours, nous avons opéré à Bangui, comme nous le faisons d’habitude.
Durant cette mission nous avons été frappés, comme lors de nos missions précédentes, par le grand nombre de déformations des membres inférieurs apparues après injections intramusculaires de Quinimax. Ces déformations représentent 17 % des cas examinés durant cette mission, et 33% des cas opérés. Cette pathologie qui est purement iatrogène semble devenir une principale cause de handicap moteur chez l’enfant, tout comme l’étaient les séquelles de poliomyélite antérieure aigue il y a une vingtaine d’années.
Juvénal présente une paralysie du nerf sciatique après injection de Quinimax dans la fesse. Il est très handicapé pour la marche par la déformation de son pied.


Valère est âgé de 15 ans ; il présente une maladie du konzo. Il est tombé malade à l’âge de 8 ans, et a arrêté l’école. Il marche avec difficulté en s’aidant d’un bâton.
Nous avons été frappés d’autre part par un grand nombre de paralysies plus ou moins complètes qui nous semblent liées à l’ingestion de manioc mal préparé (16% des patients vus en consultation): c’est la maladie du konzo. Ces séquelles s’observent surtout en province (les cas observés l’ont été à Berbérati et à Baoro). Elles sont liées à l’ingestion de manioc mal préparé, trempé trop peu de temps dans l’eau, et contenant encore des cyanides ; mais ces séquelles sont également liées à une dénutrition importante, avec carence en protéines soufrées, qui ont un rôle protecteur vis-à-vis des cyanides, et cette carence serait même un facteur prépondérant selon certaines études. Or près de la moitié des enfants en Centrafrique présente un retard staturo-pondéral, et nous voyons régulièrement en consultation des enfants dénutris, parfois sévèrement… Les paralysies atteignent essentiellement les membres inférieurs, donnant un tableau de paraparésie ou paraplégie spastique ; l’enfant marche avec difficultés, en s’aidant d’un bâton, et le handicap réalisé peut être considérable.
Les possibilités thérapeutiques, tant médicales que chirurgicales, sont très limitées, et les séquelles restent le plus souvent sévères, avec une marche laborieuse ou même impossible. Or il est très facile de prévenir cette maladie ; il suffit de préparer correctement le manioc et de donner aux enfants des compléments protéiques, qui sont très peu présents dans le manioc.^

Au total, nous avons examiné 141 patients durant cette mission et en avons opéré 37. A l’occasion de notre séjour en RCA, nous avons programmé les missions chirurgicales à venir : une mission à Bossembélé en Aout 2010, une mission à Alindao et Bangassou à l’automne 2010, une mission à Bria et Mongoumba au printemps 2011.

Enfin, signalons que sur le trajet de retour à Bangui, nous avons fait une petite halte aux chutes de Boali, toujours aussi belles…



Les cyanides:
Le manioc amer, consommé en Centrafrique, contient du cyanure, sous forme de cyanides. Ces cyanides doivent être éliminés en laissant tremper le manioc dans de l’eau pendant au moins 3 jours. Mais les cyanides peuvent également être métabolisés par l’organisme en présence de soufre. Le soufre est apporté par les aminoacides soufrés présents dans l’alimentation (essentiellement méthionine et cystéine). En cas de carence protéique, et surtout de déficit en aminoacides soufrés, cette détoxification est impossible et les cyanides sont alors métabolisés en cyanates connus pour leur grande neurotoxicité. Les aminoacides soufrés sont donc essentiels pour détoxifier le manioc; or le manioc est très pauvre en protéines et un apport protéique complémentaire et régulier est nécessaire et pourrait être suffisant pour prévenir la survenue du Konzo, même en cas d’ingestion de manioc mal préparé contenant un excès de cyanides.
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