LA MISSION DE MAI-JUIN 2021

Docteur Michel Onimus

Cette mission était la 90ème mission organisée par l’ACMC en Centrafrique. Elle s’est déroulée du 25 Mai au 12 Juin 2021, à Bagandou puis à Bangui. C’est lors de la mission de Mars 2021 qu’une nouvelle mission à Bagandou avait été décidée, en raison du nombre d’enfants qui n’avaient pas pu être pris en charge par manque de temps. Sœur Donata est venue nous chercher à Bangui le mercredi 26 Mai au matin, et nous avons fait une courte halte à M’Baiki pour saluer Mgr JESUS, nouvel évêque de M’Baïki que nous avions connu lorsqu’il était curé de Mongoumba.
Le bac sur la Lobaye
Après une crevaison et la traversée de la Lobaye grâce au bac, nous sommes bien arrivés à Bagandou, où nous avons examiné au total 35 patients, dont quelques enfants opérés lors de la mission précédente de Mars 2021.
La traversée de la Lobaye. Le moteur du bac est en panne depuis une date indéterminée... et le bac est propulsé par des pygmées qui tirent sur le câble...


A noter 7 cas de séquelles d’injection intramusculaire de Quinimax, 6 fois dans la cuisse avec raideur du genou en extension ou en recurvatum, et 1 fois dans la fesse avec déformation du pied en varus équin ; à noter également 6 malformations congénitales (dont 3 fissures labiales, 2 pieds bots varus équins congénitaux, 1 maladie amniotique)...

Nous avons opéré 15 enfants, avec notamment 2 interventions pour raideur du genou après injection intraquadricipitale avec désinsertion large du quadriceps, 1 fermeture de fissure labiale..
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L’activité à Bagandou s’est déroulée dans de très bonnes conditions ; cependant l’absence de rééducateur pénalise la qualité du résultat de la prise en charge chirurgicale, et nous avons évoqué ce point avec Sœur Donata ; nous avons quitté Bagandou sans laisser de liste d’attente, mais si de nouveaux enfants handicapés se présentent, ils pourraient être transférés à Mongoumba pour y être opérés ; la distance n’est pas très grande, et il existe à Mongoumba un centre de rééducation que nous connaissons bien et où la rééducation postopératoire serait mieux réalisée.

Le dimanche 30 Mai, nous avons fait le trajet Bagandou-Bangui.
Nous avons consulté à Bangui au Centre de Rééducation pour Handicapés Moteurs (CRHAM) et opéré les matinées jusqu’au vendredi 11 Juin. Sœur Martine SAWADOGO, rééducatrice au CRHAM, a parfaitement organisé les consultations et y a participé très activement ; nous avons pu avoir avec elle des échanges très utiles pour le bénéfice des enfants pris en charge.
Sœur Merveille MBALA, Directrice du CHRAM, avait programmé nos déplacements dans Bangui et nous avons pu travailler sans perte de temps.

Nous avons vu 109 enfants en consultation à Bangui, dont quelques enfants opérés en Mars 2021 : 32 malformations congénitales (17 pieds bots varus équins, 6 arthrogryposes, 2 fissures labiales, 2 aplasies tibiales, 1 pseudarthrose congénitale du tibia...), 21 déviations axiales des membres inférieurs (15 fois en genu valgum, 6 fois en genu varum), 14 séquelles d’injection intramusculaire de quinimax (10 fois dans la cuisse avec genou raide en extension dans sept cas et important recurvatum dans 3 cas, 4 fois dans la fesse avec paralysie sciatique et déformation du pied en varus équin), 2 séquelles de mal de Pott...

Nous avons opéré 30 enfants, dont 6 libérations postéro-internes du pied pour pied bot varus équin congénital, 5 ostéotomies fémorales ou tibiales pour correction d’axe, 1 ostéotomie humérale pour séquelle de paralysie obstétricale du plexus brachial, 2 désinsertions larges du quadriceps pour rétraction post-injection avec recurvatum du genou, 1 résection arthrodèse du genou pour correction de flexum sur séquelle d’arthrite, 1 astragalectomie bilatérale pour pied bot sur arthrogrypose...

Toutes les anesthésies ont été parfaitement faites tant à Bagandou qu’à Bangui par Barthélémy FIOBOY, TSS en anesthésie réanimation.
Ainsi nous avons examiné un total de 144 patients durant cette mission et en avons opéré 45. Nous avons revu Hortense et Annarite, deux fillettes évacuées en Novembre 2020 depuis Bangassou par MSF, qui présentaient de très graves rétractions des genoux après des injections de quinimax dans les deux cuisses, et qui ont séjourné longtemps au CRHAM pour leur rééducation. Elles ont été opérées en Novembre 2020, puis en Mars 2021


Annarite, 11 ans, avant ses opérations...
et avant son départ pour Bangassou. Le résultat est très bon.




Ces séquelles, observées après des injections de quinine dans la cuisse, restent une importante cause de handicap, et nous en voyons beaucoup de cas, bien que ces piqûres soient théoriquement interdites.
Hortense avant ses opérations. On imagine la vie de cette fillette...

Et la voici en fin de séjour au CRHAM.

Le résultat est imparfait car la flexion des genoux reste très limitée et l’enfant se déplace encore avec des béquilles, qu’elle devrait abandonner rapidement.
Michelle a profité d’un moment de calme pour raconter une histoire à quelques enfants opérés.
Nous avons profité de notre séjour à Bangui pour envisager la réouverture de l’atelier d’appareillage du CRHAM ; le centre dispose en effet d’un atelier qui est fermé depuis plusieurs années, et où pourraient être confectionnés et retouchés les petits appareils de traitement qui sont souvent nécessaires après les opérations (le plus souvent attelles rigides thermoformables), en particulier en cas de traitements au long cours chez les enfants porteurs d’atteintes systémiques (arthrogryposes, infirmes moteurs cérébraux...) ; les prothèses et les orthèses (rarement nécessaires avec l’éradication de la poliomyélite) resteraient confiées à l’atelier de l’ANRAC. Nous avons pris contact avec un orthopédiste-prothésiste recommandé par Sœur Martine et nous espérons beaucoup que ce projet verra le jour car un atelier d’appareillage est tout à fait indispensable pour valoriser le travail d’un centre de rééducation, surtout pour enfants.

Nous avons également profité de notre séjour à Bangui pour prendre contact avec le dispensaire Amis d’Afrique, situé dans le quartier de Boy Rabe, et nous avons rencontré Sœur Sophie et Sœur Marie (congrégation des Filles du Saint Cœur de Marie) qui gèrent le dispensaire.

Celui-ci prend en charge des enfants dénutris (dénutrition modérée, les cas extrêmes étant du ressort de l’hôpital) et les traite avec la spiruline ; l’ACMC est indirectement impliquée car elle finance en partie la dotation en spiruline (3 kg par mois) fournie par l’association centrafricaine Cœurs Charitables.

Le centre s’occupe d’environ une centaine d’enfants par mois ; il dépiste environ une trentaine de nouveaux cas par mois. Le suivi des enfants pris en charge s’étend sur 3 mois (parfois 6 mois) ; les enfants sont jeunes, d’âge compris entre 6 mois et 5 ans. La surveillance se fait par la mesure de la taille une fois par mois et par deux pesées par semaine. Les Sœurs tiennent à jour un registre où sont notés les chiffres : nous avons évalué l’évolution sur un échantillon de 15 cas, vus à un âge moyen de près de 3 ans : le poids était de 10 kg en début de traitement de 10,9 kg après 1 mois et 11,9 kg après 3 mois de traitement, soit une prise de poids de près de 2 kg.

Le nombre de déformations iatrogènes des membres inférieurs apparues après injections intramusculaires de Quinimax mal exécutées reste relativement important, il représente 17% de l’ensemble des enfants examinés ; ces séquelles sont parfois très invalidantes, surtout lorsqu’elles entrainent un recurvatum du genou de traitement difficile ou une nécrose de la hanche sans possibilités thérapeutiques. Elles devraient être évitées par le respect des directives qui proscrivent les injections intramusculaires en cas d’accès palustre chez l’enfant au profit de la voie orale ou de la voie intraveineuse si la voie orale est insuffisante.






A la fin de notre séjour, nous avons vu en consultation Ecclésiaste, qui est un petit garçon âgé de bientôt 9 ans. Il était en début d’année en CE1, mais il a du arrêter sa scolarité depuis quelques mois à cause de son état physique.
Son histoire semble avoir commencé en fin d’année 2020. Pour les parents d’Ecclésiaste c’est à la suite d’une chute dans un caniveau que tout a débuté ; mais les familles incriminent souvent un traumatisme à l’origine du handicap de leur enfant...
Il semble en tous cas qu’à ce moment Ecclesiaste ait commencé à présenter de la température, avec perte d’appétit et amaigrissement, puis des difficultés à la marche, qui ont motivé l’arrêt de sa scolarité.
Lorsque nous l’avons vu, Ecclésiaste présentait une importante déformation de la colonne vertébrale en cyphose au niveau lombaire.


Le dos d’Ecclésiaste.

On voit la saillie que forme la cyphose au-dessus du sacrum.




L’enfant ne présentait pas de paralysie, mais il marchait difficilement, à petits pas, avec les membres inférieurs en rotation externe, avec le bassin en rétroversion complète et en prenant appui avec les mains sur les cuisses.
La radiographie montrait une destruction presque complète des deux dernières vertèbres lombaires qui sont soudées l’une à l’autre.

Le tableau évoque assez fortement une séquelle de tuberculose vertébrale (mal de Pott) en L4-L5 avec une déformation en cyphose comme cela est classique chez l’enfant.
L’importance des troubles de la marche et le risque d’aggravation de cette déformation, liée à la croissance car l’enfant n’est âgé que de 9 ans, poussent à proposer un geste chirurgical de correction de la cyphose lombaire.
L’opération ne peut pas être réalisée à Bangui (plateau technique insuffisant, matériel insuffisant, réanimation postopératoire insuffisante...) et on a envisagé d’évacuer l’enfant sur Dakar en Août 2021, où il sera opéré à l’hôpital de l’Ordre de Malte, dans lequel les conditions matérielles sont bonnes et dont le chirurgien orthopédiste (Professeur Charles KINKPE) est très compétent.

Bien sûr il faut prévoir le budget correspondant 3 800 €, répartis en 1 800 € pour le transport Bangui-Dakar A-R (Ecclésiaste sera accompagné par son père) et 2 000 € pour l’opération (forfait comprenant les examens, l’hospitalisation, l’opération). Il est prévu un séjour de 1 mois à Dakar.

Votre aide sera bienvenue !

Les dons peuvent être adressés à la trésorière de l’ACMC, en précisant « Pour Ecclésiaste » :
Amis Comtois des Missions Centrafricaines
1 Chemin des Trulères, 25000 Besançon
C.C.P : A.C.M.C 4006 22 X DIJON
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