LA MISSION CHIRURGICALE DE NOVEMBRE 2017

Docteur Michel Onimus

Cette mission s’est déroulée du 17 au 28 Novembre 2017 à Bangui.
C’était la 78ème mission chirurgicale organisée par l’ACMC en Centrafrique. Comme d’habitude nous avons séjourné au Centre d’Accueil des Missions, ou nous avons été accueillis par Sœur Rita et Sœur Juliette avec leur gentillesse habituelle. Comme d’habitude nous avons partagé l’activité chirurgicale entre le Complexe pédiatrique et le Service de traumatologie de l’hôpital communautaire, et comme d’habitude nous avons consulté au CRHAM où les enfants opérés ont été hospitalisés après leur opération.
Enfin, comme d’habitude nous avons fait avec efficacité une prévention du paludisme chez les enfants opérés avec des gélules d’Artemisia annua. Au Complexe pédiatrique c’est toujours l’ONG EMERGENCY qui assure les urgences et qui a pris en main la gestion du service de chirurgie infantile. C’est une ONG italienne avec laquelle nos relations sont correctes, sans plus. Nous nous sentons tout juste tolérés ; il faut dire qu’il n’y a que deux salles d’opérations et durant nos matinées opératoires nous utilisons une de ces deux salles, ce qui ne laisse que l’autre salle pour l’activité de EMERGENCY et pour le travail des chirurgiens locaux (le Professeur GAUDEUILLE et le Docteur NDOMA).

A l’hôpital communautaire, c’est une équipe de la Croix-Rouge Internationale qui a pris en charge les urgences, et avec laquelle nous avons des relations tout à fait cordiales (nous prenons le café ensemble...) ; le Docteur Bertrand TEKPA, Chef de service, nous accueille toujours avec une très grande gentillesse et il met à notre disposition une des trois salles d’opérations du service. Enfin, c’est Barthélémy qui a assuré toutes les anesthésies avec sa compétence et sa dextérité habituelles. Barthélémy travaille au Complexe pédiatrique et il est venu à l’hôpital communautaire en profitant de ses journées de récupération après ses jours de garde.

Comme lors de nos missions précédentes nous avons trouvé une situation calme dans la capitale ; seule une journée a été un peu perturbée à la suite d’un accident de la circulation impliquant un véhicule pris à tort par la population pour un véhicule de la MINUSCA (la force de l’ONU en Centrafrique) ; or la MINUSCA n’est pas très bien considérée par la population qui lui reproche sa passivité lors des incidents qui éclatent régulièrement entre les groupes mal définis qui sévissent à Bangui, et à la suite de cet incident plusieurs éléments de la MINUSCA ont été attaqués et caillassés et on nous a déconseillé de sortir, obligeant à annuler la consultation prévue durant l’après midi.
Les opérés du jour attendent leur tour à l’hôpital communautaire. Ils sont accompagnés par Sœur Grâce qui va s’en occuper jusqu’à leur retour au CRHAM dans l’après midi. Le membre à opérer a été soigneusement lavé et il est emballé dans les bandes tricotées données par les membres de l’ACMC.

Nous avons examiné au total 80 patients, dont notamment:
- 23 malformations congénitales des membres dont 16 pieds bots varus équins congénitaux et 7 malformations diverses,
- 13 séquelles d’injection intramusculaire de Quinimax dont 6 dans la cuisse et 7 dans la fesse...

Nous avons opéré 24 enfants:
- 3 libérations postéro-internes du pied pour pied bot varus équin congénital,
- 8 ténotomies (hanche, genou et/ou cheville) pour spasticité,
- une désinsertion du quadriceps pour séquelle d’injection intramusculaire de Quinimax,
- une double arthrodèse sous astragalienne et médiotarsienne pour pied bot varus invétéré,
- deux greffes cutanées pour séquelles de brûlure du poignet et du coude,
- une fermeture de fissure vélaire, deux ostéites chroniques,
- deux pseudarthroses de jambe traitées par décortication et greffe osseuse,
- une épiphysiodèse postérieure rachidienne pour séquelle de mal de Pott,
- une réaxation de la hanche pour attitude vicieuse,
- une immobilisation plâtrée pour arthrite du genou,
- deux neurolyses du sciatique à la fesse pour paralysie post-injectionnelle.



Sœur Elisabeth, nouvelle rééducatrice au CRHAM, est venue en salle d’opération...
Au CRHAM, nous avons retrouvé avec beaucoup de plaisir Sœur Merveille, Directrice du CRHAM, et Sœur Elisabeth, kinésithérapeute, toutes deux de la congrégation de Saint Joseph de Cracovie ; toutes deux sont très demandeuses de conseils et d’orientation pour le centre, et nous avons évoqué différentes pistes : un projet de dépistage des enfants handicapés est en cours d’élaboration.

Le CRHAM est en passe de devenir un centre de référence pour la prise en charge précoce des malformations de type pied bot varus équin avec le protocole de Ponseti ; plus de 70 enfants ont été accueillis et traités par des plâtres successifs depuis maintenant 5 ans. En principe le traitement doit être débuté le plus tôt possible, mais malheureusement tous les enfants n’ont pas été correctement suivis jusqu’au terme du traitement, c’est-à-dire après l’acquisition de la marche, et ceci souvent par négligence des parents, qui se lassent des contraintes d’un traitement prolongé ; pour cette raison nous modifions actuellement le protocole de Ponseti en retardant le démarrage du traitement par plâtres jusque vers l’âge de 8 à 10 mois, c’est-à-dire les mois précédents l’acquisition de la marche, de façon à réduire la durée du traitement et à ce qu’il soit terminé lorsque l’enfant commence à marcher.


Sœur Elisabeth est venue en salle d’opérations; Michelle lui a prêté un «pyjama de salle d’op» et elle a parfaitement résisté et aidé lorsqu’il le fallait pour installer les enfants sur la table d’opération. Elle a commencé à faire les plâtres de correction des pieds bots avec Timoléon, le kinésithérapeute du CRHAM, et elle va probablement prendre en charge l’ensemble du traitement de cette malformation.
L’aspect de l’extension de la zone de rééducation chez Sœur Léontine. C’est un couloir qui est en fait assez lumineux et avec une bonne toiture. La longueur permet aux enfants de marcher sur une distance suffisante.


Comme lors de nos missions précédentes, il faut relever le grand nombre de lésions des membres inférieurs apparues après injections intramusculaires de Quinimax mal exécutées, qui représentent 15 % des cas examinés durant cette mission. Ces injections provoquent des déformations iatrogènes des membres inférieurs de traitement difficile.

Nous avons pu visiter l’aménagement fait chez Sœur Léontine pour faciliter la rééducation des enfants handicapés qui viennent régulièrement pour leur rééducation; ces travaux ont été financés par l’ACMC.
Le sol est maintenant régulier et il permettra aux enfants de mieux marcher avec leur déambulateur ; l’endroit est maintenant couvert et la rééducation sera possible même en cas de pluie. Nous avons également admiré la moto qui sert à Sœur Martine pour aller au domicile des enfants handicapés, et dont l’acquisition a aussi été permise par l’ACMC.
La nouvelle banque en construction sur la route qui va au CRHAM.


Lorsque nous allons au CRHAM, nous passons devant le chantier de la nouvelle banque qui est en construction depuis quelques mois pour la BEAC (Banque des Etats d’Afrique Centrale). Les travaux vont vite; c’est une entreprise chinoise qui fait la construction.
Il est presque surprenant que dans ce pays qui est maintenant au dernier rang mondial dans la classification du PNUD selon le niveau de développement, on construise un si beau bâtiment pour une banque...
Le logo qui figure sur le portail d’accès.



Enfin nous avons rendu visite chez Giscard, le chauffeur du CRHAM. Sa fille, âgée d’environ 25 ans, mère de deux petits enfants, est tétraplégique depuis quelques mois, après une chute alors qu’elle portait du bois sur la tête. Nous l’avions déjà vue lors de la mission d’Octobre 2017 ; elle commençait à présenter des escarres ; nous avons apporté un matelas anti-escarres et de quoi faire des pansements, mais la situation de cette malheureuse jeune femme est tragique
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