LA MISSION CHIRURGICALE DE MAI 2014

Docteur Michel Onimus

Lors de notre mission de Novembre 2013, nous avions programmé une mission en Janvier 2014. Celle-ci a du être repoussée à plusieurs reprises en raison de la situation en Centrafrique, les Anti-balaka ayant pris la suite de la Séléka et faisant régner un climat de violence extrême dans tout le pays. Mais à Bangui la situation s’est améliorée, en grande partie grâce à la présence de la force française Sangaris, et nous avons pu effectuer une soixante quatrième mission, du 13 au 20 Mai 2014.
Nous avons logé comme d’habitude au Centre d’Accueil des missions, où nous avons été reçus très chaleureusement par Sœur Amandine, Sœur Charité et Sœur Christine.

Nous avons trouvé une ville plutôt calme, active ; les taxis roulaient normalement, les commerces avaient repris, il y avait du monde dans les rues, tout au moins dans le centre, et tout au moins pendant la journée. Par contre certains quartiers périphériques restent fortement déconseillés, comme le km5. On croise de très nombreux 4x4 dans les rues, traduisant la présence à Bangui de nombreuses ONG... En fait, ce qu’on a vécu ne correspond pas exactement à ce qu’on peut lire dans les médias ; les journaux rapportent des incidents qui sont bien sûr très graves et violents, et qui sont beaucoup trop nombreux, mais qui s'apparentent plus à des simples faits divers qu'à une guerre civile...
Ce qu’on lit laisse croire à une insécurité complète, que nous n’avons pas ressentie durant cette semaine. Mais il faut reconnaitre que notre univers a été limité au centre d’accueil, aux blocs opératoires et au CRHAM ainsi qu’aux trajets correspondants. Nous n’avons donc eu qu’une vue très partielle de ce qui se passe réellement, et nos impressions sont probablement au moins en partie inexactes…
Le centre de Bangui a retrouvé son animation habituelle
On croise de nouveau de nombreux véhicules sur la route du CRHAM

Nous avons travaillé comme à l’accoutumée, en consultant au Centre de Rééducation pour Handicapés Moteurs (CRHAM), et en opérant au Complexe pédiatrique ainsi qu’à l’Hôpital communautaire. Nous avons retrouvé l’ambiance chaleureuse normale et le personnel a été aussi disponible que d’habitude. Nous avons travaillé en parallèle avec les équipes chirurgicales des ONG présentes dans les hôpitaux, Emergency au Complexe pédiatrique, Croix Rouge Internationale à l’Hôpital communautaire; ces équipes prennent en charge presque uniquement les urgences, et nous n’avons pas du tout été concurrentiels.

Au total nous avons examiné 58 enfants handicapés, dont 11 séquelles d’injection intramusculaire de quinimax dans la fesse ou dans la cuisse, 16 malformations congénitales (dont 7 pieds bots varus équins), 11 séquelles neurologiques diverses (dont 7 séquelles de souffrance néonatale), 6 séquelles d’infections, 1 séquelle de poliomyélite (il s’agissait d’un enfant jeune âgé de 5 ans, donc atteint probablement trois ou quatre ans auparavant)…

Nous avons opéré 19 patients, parmi lesquels notamment 4 enfants porteurs de pieds bots varus équins congénitaux (3 allongements du tendon d’Achille, 2 libérations postéro-internes, 2 astragalectomies), 3 séquelles d’injection de quinimax (2 au niveau du pied, 1 au niveau du genou), 3 séquelles de brûlures (plasties en Z et greffes), 2 ténotomies étagées chez des enfants spastiques, 1 séquelle de poliomyélite (ténotomies des fléchisseurs de hanche et plâtres de posture)...

Comme à l’occasion des missions chirurgicales précédentes, nous avons réalisé une prévention des accès palustres chez les enfants opérés en leur administrant une gélule de poudre d’Artemisia annua la veille de l’opération et les deux jours suivants. Ce protocole a permis de n’observer aucune poussée fébrile postopératoire.
Le camp est situé à proximité immédiate de la piste d’atterrissage et du tarmac… Ce gros Boeing a évolué tout près, dans un vacarme infernal…
Le Dimanche 18 Mai, nous nous sommes rendus avec Sœur Léontine au camp de réfugiés de Mpoko, où nous avons pu revoir quelques enfants que nous avions opérés lors de missions précédentes.

Cette visite du camp de réfugiés a été un moment intense ; le camp est situé à proximité immédiate du tarmac de l’aéroport; il est immense, très bien tenu et une vie normale s’y développe ; de petites échoppes ont ouvert, des artisans proposent leurs services, et on commence à cultiver de petits potagers.
Il faisait beau lors de notre visite au camp de réfugiés et le sol était sec; mais on peut imaginer la boue omniprésente en cas de pluie.
Le point de distribution de l’eau. Celle-ci est amenée chaque matin dans des camions-citernes....
... et stockée dans un grand réservoir en plastique
Le moulin à manioc
L’étalage de bouteilles de pétrole
Le salon de coiffure
Beaucoup de réfugiés ont tout perdu avec l’incendie ou la destruction de leur maison, et ils ne savent pas où aller. D’autres restent au camp car ils craignent pour leur vie en cas de retour à domicile… Et ces camps, qui devraient être des lieux d’hébergement temporaire, sont organisés pour durer… mais pour combien de temps ?

L’arrivée prochaine des casques bleus de l’ONU devrait améliorer la situation en province, et nous avons programmé deux prochaines missions chirurgicales qui devraient se dérouler l’une à Bangui en Septembre 2014, l’autre à Mongoumba et Bangui en Décembre 2014. Mongoumba est une localité calme, que nous connaissons bien, située à l’extrême sud-ouest du pays, loin des zones dangereuses du Nord.
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