Docteur Michel Onimus
Cette mission, durant laquelle nous avons examiné 55 enfants handicapés et en avons opéré 19, (dont 9 séquelles d’injections intramusculaires de Quinimax, qui deviennent un véritable fléau….) a été ajoutée au programme normal des missions chirurgicales de l’ACMC, car elle nous a donné l’occasion de rencontrer sur le terrain l’Ambassadeur de l’Ordre de Malte et rechercher avec lui une solution pour assurer la survie du CRHAM, c’est-à-dire le Centre de Rééducation pour Handicapés Moteurs de Bangui. Ce centre a été créé en 1994 et il a fonctionné depuis cette date grâce à des financements provenant de différents bailleurs de fonds, qui se sont progressivement arrêtés depuis 2007 et la survie du centre est actuellement en jeu. Or le CRHAM est très important pour l’activité de l’ACMC à Bangui, puisque qu’il est le partenaire local avec lequel nous travaillons lors des missions chirurgicales. Etant donné l’importance de l’enjeu, l’ACMC s’est impliquée dans la recherche d’une solution pour permettre au CRHAM de survivre.
I. HISTORIQUE
A Bangui, plusieurs projets portant sur la prise en charge du handicap ont démarré presque simultanément dans les années 1992-1994: l’ouverture du CRHAM (Centre de Rééducation pour Handicapés Moteurs), construit par la COOPI, ONG italienne, la mise en route d’une formation en rééducation et appareillage, d’abord par le projet Forecom Hanphy, puis par Handicap International, et enfin un projet de rééducation de type communautaire par le CERAB (ONG hollandaise). Ces différentes associations se sont heureusement organisées pour être complémentaires et non pas concurrentes : Handicap International s’est orienté sur la formation, assurant trois promotions de rééducateurs et d’appareilleurs, et sur l’appareillage. Le CERAB s’est orienté vers un travail décentralisé dans les quartiers, assurant une rééducation d’entretien à domicile et surtout un dépistage et un suivi des enfants pris en charge. La COOPI a centré l’activité du CRHAM sur la rééducation, avec des lits d’hospitalisation. C’est l’émergence de toute cette infrastructure qui a permis à l’ACMC de démarrer en 1995 son activité chirurgicale à Bangui.
II. CONTEXTE LOCAL
La couverture vaccinale s’est beaucoup améliorée en Centrafrique: en particulier, le taux de vaccination antipoliomyélitique, qui était de 12% en 1981, est passé à 80% en 1998 (chiffres UNICEF). Parallèlement, on a vu s’effondrer le pourcentage d’enfants porteurs de séquelles de poliomyélite, le taux passant de 80% dans les années 1983-1984 à moins de 5% en 2006-2007. Et pourtant, même si la poliomyélite a heureusement pratiquement disparu, il existe encore de très nombreuses causes de handicaps moteurs : séquelles de lésions traumatiques, d’infections osseuses, de brûlures, de malformations congénitales, séquelles d’injections intramusculaires de sels de quinine (c’est le traitement habituel de l’accès palustre chez l’enfant : la piqûre est trop souvent mal faite et provoque une paralysie du nerf sciatique)… Dans beaucoup de cas, ces séquelles pourraient être évitées ou très minimisées par des mesures thérapeutiques précoces appropriées, qui sont malheureusement absentes… Le nombre d’enfants handicapés moteurs qui devraient bénéficier d’une prise en charge en rééducation est estimé à plus de 7000 pour la région de Bangui.