LA MISSION CHIRURGICALE DE JANVIER 2010

Docteur Michel Onimus

Cette mission, durant laquelle nous avons examiné 55 enfants handicapés et en avons opéré 19, (dont 9 séquelles d’injections intramusculaires de Quinimax, qui deviennent un véritable fléau….) a été ajoutée au programme normal des missions chirurgicales de l’ACMC, car elle nous a donné l’occasion de rencontrer sur le terrain l’Ambassadeur de l’Ordre de Malte et rechercher avec lui une solution pour assurer la survie du CRHAM, c’est-à-dire le Centre de Rééducation pour Handicapés Moteurs de Bangui. Ce centre a été créé en 1994 et il a fonctionné depuis cette date grâce à des financements provenant de différents bailleurs de fonds, qui se sont progressivement arrêtés depuis 2007 et la survie du centre est actuellement en jeu. Or le CRHAM est très important pour l’activité de l’ACMC à Bangui, puisque qu’il est le partenaire local avec lequel nous travaillons lors des missions chirurgicales. Etant donné l’importance de l’enjeu, l’ACMC s’est impliquée dans la recherche d’une solution pour permettre au CRHAM de survivre.


I. HISTORIQUE

A Bangui, plusieurs projets portant sur la prise en charge du handicap ont démarré presque simultanément dans les années 1992-1994: l’ouverture du CRHAM (Centre de Rééducation pour Handicapés Moteurs), construit par la COOPI, ONG italienne, la mise en route d’une formation en rééducation et appareillage, d’abord par le projet Forecom Hanphy, puis par Handicap International, et enfin un projet de rééducation de type communautaire par le CERAB (ONG hollandaise). Ces différentes associations se sont heureusement organisées pour être complémentaires et non pas concurrentes : Handicap International s’est orienté sur la formation, assurant trois promotions de rééducateurs et d’appareilleurs, et sur l’appareillage. Le CERAB s’est orienté vers un travail décentralisé dans les quartiers, assurant une rééducation d’entretien à domicile et surtout un dépistage et un suivi des enfants pris en charge. La COOPI a centré l’activité du CRHAM sur la rééducation, avec des lits d’hospitalisation. C’est l’émergence de toute cette infrastructure qui a permis à l’ACMC de démarrer en 1995 son activité chirurgicale à Bangui.


II. CONTEXTE LOCAL

La couverture vaccinale s’est beaucoup améliorée en Centrafrique: en particulier, le taux de vaccination antipoliomyélitique, qui était de 12% en 1981, est passé à 80% en 1998 (chiffres UNICEF). Parallèlement, on a vu s’effondrer le pourcentage d’enfants porteurs de séquelles de poliomyélite, le taux passant de 80% dans les années 1983-1984 à moins de 5% en 2006-2007. Et pourtant, même si la poliomyélite a heureusement pratiquement disparu, il existe encore de très nombreuses causes de handicaps moteurs : séquelles de lésions traumatiques, d’infections osseuses, de brûlures, de malformations congénitales, séquelles d’injections intramusculaires de sels de quinine (c’est le traitement habituel de l’accès palustre chez l’enfant : la piqûre est trop souvent mal faite et provoque une paralysie du nerf sciatique)… Dans beaucoup de cas, ces séquelles pourraient être évitées ou très minimisées par des mesures thérapeutiques précoces appropriées, qui sont malheureusement absentes… Le nombre d’enfants handicapés moteurs qui devraient bénéficier d’une prise en charge en rééducation est estimé à plus de 7000 pour la région de Bangui.
III. LE CENTRE DE REEDUCATION POUR HANDICAPES MOTEURS

L’entrée du CRHAM.
Le secrétariat est situé sur la gauche, les salles de rééducation sur la droite.
Le CRHAM est situé non loin du centre ville, vers la sortie Nord de Bangui, à proximité immédiate de l’église N-D d’Afrique. Il est sur le trajet des minibus qui desservent les différents quartiers de la ville et il est donc facilement accessible. C’est la seule structure de la capitale offrant à la fois un service de rééducation fonctionnelle, un atelier d’appareillage orthopédique, et un internat.
Il
La grande salle de rééducation du CRHAM.
Ce jour-là , les bancs de posture ont permis à quelques membres de l’équipe chirurgicale un peu fatigués de se reposer au retour de Dékoa…
comprend deux grandes salles de rééducation disposant des équipements standards et un internat pouvant accueillir 20 enfants en deux dortoirs. Les enfants opérés lors des missions chirurgicales y sont hospitalisés pour leur rééducation post-opératoire.
Le CRHAM comporte également un petit atelier d’appareillage pourvu du nécessaire pour réaliser des appareillages standards.
Une directrice administrative, un kinésithérapeute responsable et trois rééducateurs assurent le fonctionnement du centre.
Le kinésithérapeute assure environ 600 à 700 consultations chaque année. Les rééducateurs prennent en charge environ 700 patients par an, ce qui représente 7000 à 8000 séances de rééducation. Soixante à 70 enfants sont hospitalisés chaque année à l’internat, ce qui représente environ 1000 journées d’hospitalisation. Enfin, 300 à 400 appareils sont produits par l’atelier d’appareillage chaque année (béquilles, attelles de posture, orthèses articulées, prothèses tibiales ou fémorales).
Les prothèses réalisées au CRHAM concernent surtout des enfants jeunes ; elles sont souvent rapidement renouvelées ; on essaie de les adapter le mieux possible au handicap et de les rendre le plus fonctionnelles possible (la fonction primant sur l’esthétique…), et leur prescription est toujours l’objet de passionnantes discussions impliquant l’ensemble de l’équipe soignante (chirurgien prescripteur, rééducateur, appareilleur). Elles sont revues d’une mission à l’autre et constamment réévaluées et réadaptées.
Prothèse simple du membre inférieur gauche pour aplasie congénitale du tibia. La prothèse est stabilisée par une ceinture en cuir et métal ; le pilon est en bois renforcé d’une semelle.
Prothèse du membre inférieur gauche pour aplasie congénitale du péroné, réalisée en bois, PVC et cuir. Le raccourcissement empêche l’appui du pied au sol. L’enfant marche sur un faux pied. On a prévu une prothèse avec genou articulé quand l’âge de l’enfant le permettra.
III.1. L’activité chirurgicale au CRHAM

Grâce à l’existence du CHRAM, l’ACMC a réalisé à ce jour 29 missions chirurgicales à Bangui. La première mission s’est déroulée en Avril 1995. Au total 1350 enfants ont été vus en consultation chirurgicale au CRHAM et 430 enfants ont été opérés. Etant donné la simplicité des interventions effectuées, les bilans préopératoires sont réduits au minimum (habituellement seule une sérologie HIV est demandée). Les enfants sont préparés et transférés à l’hôpital le matin de l’opération. Le soir de l’intervention ils sont ramenés au CRHAM où ils séjournent ensuite pour la période de leur rééducation et éventuellement leur appareillage. Pendant toute la durée de la mission chirurgicale, une garde nocturne est assurée au CRHAM à tour de rôle par chacun des rééducateurs. Les suites opératoires (ablation des plâtres, ablation des fils de suture, pansements…) sont réalisées au CRHAM par le kinésithérapeute responsable.


III.2. Le budget du CRHAM

Le budget du CRHAM est de l’ordre de 15 000 000 FCFA, soit environ 23 000 €. Au cours de cette mission, nous avons pu échanger à plusieurs reprises avec l’Ambassadeur de l’Ordre de Malte ; il semble que l’on s’achemine vers un cofinancement assuré par l’Ordre de Malte et par l’ACMC. Aux dernières nouvelles, nous avons reçu une réponse de principe favorable de l’Ordre de Malte… A suivre !!!
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