LA MISSION CHIRURGICALE DE JUILLET 2015

Docteur Michel Onimus

Cette mission d’une semaine avait été décidée à la fin de la mission de Mars 2015, en raison du grand nombre d’enfants que nous avions vu et programmés pour être opérés. Elle a été tout à fait semblable aux missions précédentes, par le travail effectué, par le plaisir du séjour au centre d’accueil, par l’opacité de certains aspects du fonctionnement du CRHAM... Nous sommes arrivés à Bangui le 14 Juillet en fin d’après midi, et nous avons eu la chance d’être invités à la réception donnée par l’ambassadeur de France à cette occasion. Nous sommes arrivés juste à temps pour entendre les discours et pour profiter d’un excellent buffet...

Des équipes chirurgicales d’ONG internationales continuent à être présentes dans les hôpitaux de Bangui, Croix-Rouge Internationale à l’Hôpital communautaire et Emergency au Complexe pédiatrique ; elles ont maintenant moins d’activité en raison de l’amélioration du niveau sécuritaire à Bangui, et elles prennent en charge une partie de la traumatologie civile. En fait nous ne sommes pas du tout concurrentiels, car elles ne prennent en charge que les urgences, alors que nous ne faisons pratiquement pas de chirurgie d’urgence ; nous faisons de la chirurgie « froide », programmée à l’avance. Nous avons pu travailler à côté d’elles et nous les remercions pour leur accueil et la place qu’elles nous ont réservée. Durant notre séjour nous avons consulté au total 68 patients handicapés, dont notamment:
- 23 malformations congénitales (16 pieds bots varus équins, 4 fissures labiales, une main bote radiale bilatérale, une syndactylie, une arthrogrypose),
- 11 séquelles d’injection intramusculaire de Quinimax,
- 9 séquelles de traumatismes des membres (luxation de la hanche, pseudarthrose du tibia, cal vicieux du tibia...),
- 9 séquelles d’infection osseuse ou articulaire, dont 2 cyphoses angulaires graves sur mal de Pott,
- 8 séquelles d’atteinte neurologique après souffrance cérébrale néonatale (7 cas) ou après neuropaludisme (1 cas)...

Nous avons opéré 20 patients, dont 2 fissures labiales congénitales, 10 déformations du pied avec 3 libérations postéro-internes, 4 allongements du tendon d’Achille pour pieds bots varus équins congénitaux, 2 doubles arthrodèses sous-astragaliennes et médiotarsiennes et une transposition tendineuse pour séquelles d’injection intrafessière de quinimax, 3 désinsertions du quadriceps et 1 ténotomie du droit antérieur pour raideur du genou après injection intraquadricipitale de Quinimax, 1 cas de ténotomie des genoux pour spasticité des membres inférieurs, 1 ostéotomie fémorale bilatérale pour correction de déviation axiale des membres inférieurs, 1 réaxation du tibia pour déformation post-infectieuse en varus, 1 reprise d’ostéite chronique du cubitus.
Comme pour les missions précédentes, les anesthésies ont été parfaitement réalisées par Messieurs Barthélémy FIOBOY et Jean Marie KOLOUBA, Techniciens Supérieurs en anesthésie-réanimation, l’un au Complexe pédiatrique, l’autre à l’Hôpital communautaire. Les interventions ont été effectuées alternativement au Complexe pédiatrique et à l’Hôpital communautaire.

Nous avons démarré il y a quelques années le traitement du pied bot varus équin congénital par la technique de Ponseti, dont le principe est de corriger la déformation par des plâtres successifs, réalisés selon un protocole rigoureux ; le très gros avantage de cette méthode est d’amener l’enfant à l’âge de la marche avec un pied pratiquement totalement corrigé, et idéalement l’opération se limite à un simple allongement du tendon d’Achille, opération beaucoup moins lourde et compliquée que l’opération faite sur un pied bot non traité.
La mise en route de ce protocole au CRHAM a été un peu laborieuse, mais à l’occasion de cette mission nous avons eu la joie d’apprécier son efficacité ; tous les enfants opérés d’un pied bot l’ont été après une prise en charge précoce selon Ponseti, ce qui a permis d’opérer des déformations modérées et surtout souples, et les suites opératoires ont toutes été particulièrement simples. Ceci est à mettre à l’actif du travail réalisé au CRHAM par Timoléon, le kinésithérapeute.
Les toutes premières feuilles d’Artémisia annua au CRHAM !
Peut-être que bientôt la production locale remplacera les gélules que nous distribuons aux enfants pour prévenir le paludisme au moment de l’opération !
Enfin, il faut signaler que la culture de l’Artémisia annua a commencé au CRHAM... C’est pour l’instant un embryon de culture, comme on peut le voir sur la photographie, mais nous comptons bien en voir le développement lors des prochaines missions...


Chez Barthélémy, l’Artemisia annua pousse superbement !
Et Barthélémy, notre anesthésiste, a lui aussi commencé la culture de l’Artémisia annua avec succès, et il est nettement plus avancé !



Ange Rébecca et sa très jeune maman.
A l’occasion de cette mission, nous avons également fait connaissance avec Ange Rébecca, âgée de deux mois, qui nous a été amenée par sa maman pour de graves malformations des deux mains et des deux membres inférieurs.

Aux membres supérieurs les deux mains présentent une malformation dénommée « pince de homard » ; il n’y a que deux doigts et l’espace entre les métacarpiens correspondants n’est pas soudé comme normalement. De ce fait l’aspect évoque une pince de homard avec ses deux extrémités.
Malgré cet aspect très anormal, il existe une motricité active des deux doigts et on peut espérer plus tard une bonne autonomie pour la vie quotidienne. Au plan thérapeutique, il n’y a donc à priori pas d’indication particulière, et notamment pas d’indication chirurgicale ; on prévoit pour l’instant une simple surveillance.

Au niveau des membres inférieurs, les hanches et les fémurs paraissent normaux, mais il existe une aplasie tibiale bilatérale, avec une absence des deux tiers inférieurs du tibia et un pied basculé en dedans (en varus) de façon totalement irréductible. Les deux pieds sont très malformés, réduits à un seul rayon (un seul métatarsien et un seul orteil) et, compte tenu de ces malformations, l’acquisition d’une marche avec appui du pied au sol est parfaitement illusoire.

La maman était très demandeuse... Ange Rébecca est une jolie petite fille, à l’air vif et très éveillée. Bien sûr on ne peut pas tout corriger, mais on a essayé d’encourager la maman à amener régulièrement sa fille en rééducation et on a prévu de l’appareiller vers l’âge de 18 mois avec des prothèses pour lui permettre d’acquérir la marche, puis de l’opérer vers l’âge de 4 ou 5 ans pour améliorer les appareillages qui seront bien sûr de toutes façons nécessaires. Ce programme s’inscrit dans la durée, et nous espérons revoir régulièrement Ange Rébecca dans les années à venir
Les malformations des mains sont en « pince de homard »
Aux membres inférieurs il existe une aplasie des tibias et une malformation des pieds. Un appui sur les pieds est impossible et il faut prévoir un appareillage avec prothèses.
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