LA SOIXANTE TROISIÈME MISSION CHIRURGICALE
NOVEMBRE 2013

Docteur Michel Onimus

Depuis le coup d’état de Mars 2013, nous avions interrompu les missions chirurgicales. La dernière mission de l’ACMC s’était déroulée en Février-Mars 2013, et nous avions annulé les missions prévues à Bria, Dékoa, Mongoumba et Berbérati.
L’insécurité persistante sur les routes nous empêche encore d’aller en province. Mais la relative stabilité qui s’était installée à Bangui nous a fait mettre sur pied une mission dans la capitale, renouant ainsi avec la tradition d’une mission chirurgicale en début de saison sèche.

Cette dernière mission s’est déroulée du 26 Novembre au 4 Décembre 2013. Elle a été facilitée par la participation de Bernard, membre de l’ACMC qui avait vécu durant plus de deux ans en RCA dans les années 1988-1989, et pour qui cette mission a été l’occasion d’une redécouverte du pays. Sa présence a été un élément rassurant ; et surtout il a effectué beaucoup de démarches et de tâches que nous n’aurions pas eu le temps de faire.

La situation à Bangui a été calme durant notre séjour ; on percevait cependant une inquiétude et une tension permanentes chez les personnels des hôpitaux avec lesquels nous avons travaillé, mais nous avons pu avoir une activité pratiquement normale. Les troupes françaises étaient attendues avec impatience pour assurer enfin le calme dans le pays.
Comme à l’accoutumée nous avons consulté au Centre de Rééducation pour Handicapés Moteurs (CRHAM) et nous avons opéré les plus jeunes enfants au Complexe pédiatrique et les plus grands à l’Hôpital communautaire. Nous avons rencontré deux ONG qui travaillent dans le domaine de la santé : EMERGENCY qui travaille au Complexe pédiatrique en prenant en charge les urgences chirurgicales de l’enfant, et MSF, en train de mettre en place une équipe chirurgicale à l’Hôpital communautaire.

Nous avons vu 54 patients en consultations et en avons opéré 16. Il s’agissait de pathologies habituelles : pieds bots, séquelles de brûlures, séquelles d’injection intramusculaire de sels de quinine, ostéites chroniques… Les anesthésies ont été parfaitement réalisées par Barthélémy et Jean Marie, anesthésistes l’un au complexe pédiatrique et l’autre à l’hôpital communautaire. Nous avons profité de notre séjour pour essayer de redynamiser la prise en charge des pieds bots congénitaux selon le protocole de Ponseti, passée un peu au second plan depuis les évènements…

Enfin nous avons eu le plaisir de revoir la petite Zara, opérée d’une fissure labiale lors de la mission de Novembre 2012.
Zara était âgée de 2 ans lors de son opération
La voici un an après.…

C’est le dernier jour du séjour, le Mardi 3 Décembre, que la situation a commencé à se dégrader dans le pays : une quinzaine d’enfants blessés à la tête et aux membres supérieurs ont été évacués depuis Boali et amenés au Complexe pédiatrique ; ils étaient victimes de représailles exercées par des « Anti-balaka » (c’est-à-dire des Centrafricains excédés par les exactions de la Séléka et organisés en milices armées) contre des peuls, éleveurs nomades dont le tort est d’être musulmans, donc considérés comme proches de la Séléka.

La plupart des adultes ont été tués et les enfants gravement blessés à coup de machette; ils venaient d’arriver à Bangui lorsque nous sommes passés un peu par hasard au Complexe pédiatrique, et nous avons aidé Emergency à leur apporter les premiers soins ; presque tous avaient le crâne fendu par les coups de machette, avec sans doute des lésions cérébrales plus profondes. Mais nous sommes partis le soir même sans les revoir…

Nous avons quitté Bangui le 3 Décembre au soir sans incident. C’est le lendemain que la situation a commencé à se dégrader dans la capitale avec l’explosion de violence et les tueries dont la presse s’est fait l’écho.
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