LA MISSION CHIRURGICALE NOVEMBRE 2020

Docteur Michel Onimus

L’explosion de l’épidémie du Covid-19, au début de l’année 2020, nous a obligés à annuler au tout dernier moment la mission chirurgicale qui était programmée en Mars 2020. Avec le recul, cette décision n’a pas été mauvaise car tous les vols ont été suspendus et nous aurions été bloqués à Bangui jusqu’au mois de Juin car c’est en Juin que les vols ont timidement repris...

Comme tout le monde, nous sommes donc restés dans l’attente de l’amélioration de la situation sanitaire... Durant l’été 2020, nous avons reçu une demande émanant de MSF pour aller opérer quelques enfants à Bria, où nous avons déjà travaillé à plusieurs reprises. Après quelques échanges de mails, nous avons finalement décidé une mission en RCA, mission qui a d’ailleurs été repoussée de 15 jours à la suite du nouveau confinement au début Novembre 2020. En définitive, nous sommes allés à Bangui du 16 Novembre au 2 Décembre 2020. Les enfants de Bria auraient du être acheminés à Bangui, mais finalement MSF a refusé...

Cette mission a été très bien remplie. La pandémie du Covid-19 ne nous a pas gênés ; le port du masque est plus que discret dans Bangui ; cependant on prenait notre température pour entrer le matin (mais pas l’après midi...) au Complexe pédiatrique. Nous avons retrouvé nos partenaires habituels au Complexe pédiatrique et à l’Hôpital communautaire. Au Complexe pédiatrique nous avons beaucoup collaboré avec l’équipe chirurgicale de l’ONG italienne « Medici con l’Africa » et nous avons opéré de nombreux enfants hospitalisés au Complexe, qui présentaient pour la plupart des ostéomyélites chroniques avec des suppurations interminables. Le traitement consiste à retirer le fragment d’os nécrosé, qui est parfois volumineux, laissant une perte de substance qui sera difficile à combler...

Nous avons examiné 100 enfants et en avons opéré 34. Barthélémy, notre anesthésiste centrafricain, a travaillé à la perfection ; nous avons notamment opéré deux fissures labiales chez des nourrissons âgés de 6 mois, dont les anesthésies ont été parfaites. Notre mission avait été annoncée même en province et quatre enfants sont venus de Bangassou, évacués grâce à l’avion de MSF-Belgique ; deux d’entre eux présentaient des rétractions majeures des cuisses apparues après injections de quinimax, posant de difficiles problèmes chirurgicaux, et on a décidé de n’opérer qu’un seul côté à la fois. Le deuxième côté devrait être opéré lors de la prochaine mission.

Hortense est victime de piqûres dans les deux cuisses ; il existe une rétraction considérable des genoux en recurvatum ; elle marche très difficilement à l’aide d’un bâton.
L’opération a été compliquée et on n’a pu opérer que le côté droit ; la voici après l’opération ; le genou droit est bien aligné, mais il risque de rester raide ; on voit la rétraction persistante du côté gauche.


Nous avons profité de notre passage à Bangui pour rendre visite aux orphelinats Saint Charles et la Goutte de Lait, que l’ACMC soutient financièrement. A Saint Charles, qui accueille 36 enfants, nous avons été frappés par le mauvais état des moustiquaires et de la literie dans le dortoir des garçons. Nous avons eu la chance d’obtenir un don de 50 moustiquaires, offertes par la Croix-Rouge Internationale, et nous les avons distribuées entre les deux orphelinats. L’orphelinat la Goutte de Lait, qui accueille 13 enfants (7 petits mélangeant filles et garçons et 6 filles adolescentes), est dirigé par Sœur Agnès.

Sœur Agnès accueille les nouveau-nés qui lui sont adressés par le service de pédiatrie de l’hôpital. Il s’agit en fait d’enfants abandonnés à la naissance, retrouvés dans les caniveaux ou les fosses septiques et amenés à l’hôpital, souvent dans un état général précaire, avec des asticots dans les narines, les oreilles, mais bien vivants. Le Professeur GODY, pédiatre, directeur du Complexe pédiatrique, a une grande confiance en elle et lui confie même de grands prématurés (le plus jeune pesait 750 gr...). La méthode de Sœur Agnès est simple : c’est la méthode « kangourou » : elle porte l’enfant en permanence sur elle, directement sur la peau, elle dort avec lui, le nourrit avec du lait ; elle ne lave jamais l’enfant, mais se contente de l’essuyer. Dès que l’enfant a quelques mois, il va avec les autres et Sœur Agnès accueille un nouveau nouveau-né... Les enfants restent à l’orphelinat plusieurs années ; quelques uns ont été adoptés ou repris par leur famille quand elle a donné signe de vie ; Sœur Agnès essaie de garder les filles jusqu’à ce qu’elles aient acquis une formation professionnelle.

Au terme de cette mission, et après avoir échangé avec de nombreuses personnes, nous avons ressenti un certain dynamisme dans le pays : plusieurs immeubles sont en construction, on observe de nombreux travaux d’entretien sur la voie publique, les marchés ont retrouvé leur affluence, le marché du km 5, qui avait été totalement dévasté lors du coup d’état, grouille à nouveau de monde, et la circulation dans Bangui devient presque difficile aux heures de pointe... Nous avons appris qu’un scanner a été installé dans l’hôpital et devrait ouvrir fin Décembre. Plus de 40 nouveaux médecins ont été diplômés lors de notre séjour et devraient tous être intégrés dans la fonction publique. De plus, avant notre départ, nous avons pu admirer deux superbes feux d’artifice tirés l’un de la colline qui surplombe la ville, l’autre du cœur de la cité. Il semble que le pays profite de la mase monétaire apportée d’une part par la MINUSCA et d’autre part par les très nombreuses ONG présentes à Bangui.

Comme à l’accoutumée, les consultations se sont déroulées au centre de rééducation (le CRHAM) et les enfants opérés y ont été hospitalisés. La situation financière du CRHAM reste délicate : il fonctionnait en grande partie grâce à une subvention donnée par l’Ordre de Malte, mais cette subvention a été réduite des 2/3 depuis le début de l’année 2020. Les possibilités d’autofinancement sont limitées car le centre prend en charge beaucoup de familles défavorisées qui ne participent que partiellement aux frais. L’ACMC soutient également le centre par une subvention annuelle, mais très insuffisante pour couvrir tous les besoins. La Directrice, Sœur Merveille, frappe à de nombreuses portes pour se faire aider... Grâce à des dons du Comité International de la Croix-Rouge, elle a créé un terrain de sport dans l’enceinte du CRHAM, sur lequel les handicapés de Bangui viennent s’entrainer au basket.

Les handicapés de Bangui à l’entrainement sur le terrain de sport créé au CRHAM.

Nous les avons vus jouer avec un entrain qui nous a émerveillés. Sœur Merveille a également pu renouveler les moustiquaires et installer des cloisons entre les lits des dortoirs, donnant un peu d’intimité aux familles. Le centre fonctionne actuellement avec trois rééducatrices : Nadine, Eulalie et Sœur Grâce. La secrétaire a quitté le centre et n’a pas été remplacée. L’opérateur social a également quitté le centre, de même que le kinésithérapeute-chef et un rééducateur. L’équipe est donc réduite, ce qui diminue la masse salariale... Néanmoins le centre reste actif et les rééducatrices font un travail efficace, comme nous avons pu le constater en voyant les résultats de la prise en charge de quelques enfants. Sœur Merveille essaie de recruter un kinésithérapeute, qui reste nécessaire pour assurer la direction médicale du centre ; elle a actuellement en vue deux kinés, formés au Togo grâce à des bourses du CICR, et essaie de sélectionner le meilleur...

En fin d’après midi, les enfants opérés prennent le frais

Nous n’étions pas retournés en RCA depuis exactement un an, et nous avons été sollicités par un grand nombre d’enfants qui justifieraient une prise en charge, mais que nous n’avons pas pu opérer faute de temps. De plus nous avons reçu une demande pour aller à Bagandou (en pays pygmée), où nous aurions du aller en Mars 2020, et nous avons donc programmé de nouvelles missions en Janvier, puis en Mars 2021.
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