LA MISSIONS BOSSEMBELE DE SEPTEMBRE 2011

Docteur Michel Onimus

Le centre des Handicapés de Bossembélé, dont l’esthétique évoque un peu le style oriental.

Début Septembre 2011, sur la demande de la Sœur Elisabeth, nous sommes retournés à Bossembélé.
Bossembélé possède un très beau Centre pour Handicapés, construit il y a quelques années par Sœur Julietta, Coréenne, et qui est actuellement sous la responsabilité de Sœur Elisabeth, qui est Vietnamienne.
Le centre peut accueillir une vingtaine d’enfants en hospitalisation ; avec la quasi disparition de la poliomyélite, on ne trouve en temps normal que peu d’enfants handicapés, et le centre accueille en permanence beaucoup d’enfants dénutris, qui séjournent de quelques semaines à quelques mois, jusqu’à ce qu’ils aient repris un poids correct. Ceci permet d’ailleurs aux enfants d’aller à l’école, qui est à proximité immédiate. Comme à l’accoutumée, la mission à Bossembélé a été complétée par une semaine de chirurgie à Bangui.


C’est de nouveau Barthélémy, Technicien Supérieur en anesthésie-réanimation au service de chirurgie infantile de Bangui, qui nous a accompagnés et qui a fait parfaitement toutes les anesthésies : anesthésies générales avec caudale chez les petits jusqu’à 6 à 8 ans, rachianesthésies chez les plus grands.
Quelques uns des pensionnaires du centre des Handicapés de Bossembélé: quelques enfants sont des opérés, d’autres sont des enfants dénutris en traitement au centre.


Nous avons retrouvé la même chaleur dans l’accueil de Sœur Elisabeth que lors de la mission d’Aout 2010, et le séjour a été excellent.
Au plan de la pathologie, sur les 42 enfants examinés, 10 présentaient un tableau de paraparésie spastique, d’apparition brutale, sans symptômes associés, faisant beaucoup évoquer une intoxication par du manioc mal préparé (le manioc « dur », habituellement consommé en Centrafrique, contient du cyanure qui doit être éliminé par un séjour dans l’eau puis par un séchage prolongé avant d’être consommé).

Cette « maladie du konzo » (maladie des jambes liées) est grave car les troubles neurologiques sont définitifs, et la paraplégie parfois complète. Le plus souvent l’enfant peut marcher, mais la démarche est raide, en triple flexion, avec l’aide d’un bâton, sur des distances courtes. On peut améliorer la marche par des ténotomies étagées au niveau des genoux et des chevilles, mais la marche ne devient jamais normale.
C’est typiquement une maladie due non pas à l’ignorance, car toutes les femmes savent comment préparer le manioc, mais à la pauvreté, et elle s’observe essentiellement en province, dans des localités éloignées, en cas de pénurie alimentaire. Nous en avons déjà observé de nombreux cas cas essentiellement à Bossembélé et à Berbérati ; dans les deux endroits, la plupart des enfants atteints provenaient du même village, ce qui confirme bien l’intoxication par le manioc.
Au CRHAM, la garderie pour enfants handicapés a été ouverte dans la paillotte. Elle accueille actuellement près de 10 enfants. Le mobilier a été réalisé par l’atelier de vannerie du CRHAM.
A Bangui, nous avons travaillé comme d’habitude au CRHAM (Centre de Rééducation pour Handicapés Moteurs). Le CRHAM est en pleine rénovation ; outre des améliorations dans les locaux de rééducation, un atelier de vannerie a été créé par Sœur Sonia pour la formation professionnelle d’un groupe d’handicapés ; il travaille sous la direction d’un vannier professionnel.
Une garderie pour enfants handicapés a été ouverte et accueille 8 enfants ; l’encadrement est assuré par deux monitrices-institutrices ; son mobilier provient de l’atelier de vannerie.

Séquelles d’injection intrafessière de Quinimax, avec la déformation habituelle du pied, liée à une paralysie partielle du nerf sciatique.
Séquelles d’injection intrafessière de Quinimax, avec la déformation habituelle du pied, liée à une paralysie partielle du nerf sciatique.
Timoléon, le kinésithérapeute du CRHAM, avait fait une information à la radio locale, et sur 91 enfants vus en consultation, 40 présentaient des séquelles d’injection intramusculaire de Quinimax (le traitement habituel des crises de paludisme chez l’enfant). Ces séquelles sont souvent invalidantes, et cette pathologie tend actuellement à remplacer la poliomyélite!

Les injections sont faites dans la fesse, souvent trop près du nerf sciatique, qui est partiellement paralysé, ce qui entraine une déformation progressive du pied. Parfois la piqûre est faite trop profondément dans la fesse, et le quinimax est alors injecté non pas dans le muscle fessier, mais dans l’articulation de la hanche, provoquant une destruction partielle de la tête du fémur, avec enraidissement de l’articulation et raccourcissement du membre inférieur par blocage de la croissance du fémur.
Parfois l’injection est faite dans le muscle de la cuisse (le quadriceps), et elle provoque une fibrose du muscle qui devient inextensible et bloque complètement le genou en extension totale ; l’enfant ne peut alors plus se mettre en position accroupie. Toutes ces déformations pourraient être évitées, par une bonne technique lors de l’injection, ou encore en évitant les injections intramusculaires de Quinimax (qui sont d’ailleurs officiellement interdites…).
Au total, durant cette mission, nous avons vu 133 enfants en consultation et nous en avons opéré 43. Mais nous avons laissé à Bangui une liste d’attente très longue, pour les missions à venir (Berbérati et Bangui en Décembre 2011, Mongoumba et Bangui en Mars 2012)...
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